LA RAISON EST SANS POURQUOI ?
1 novembre 2025DU DESILOTAGE EN PSYCHIATRIE
Dans son numéro du 10 octobre, Le Quotidien du médecin, consacre un article à l’Assistance publique de Paris qui met à l’honneur ses actions innovantes en faveur de la psychiatrie. Un neurologue interrogé déplore la séparation entre la neurologie et la psychiatrie. Il déclare : « Ce sont des spécialités distinctes et silotées alors qu’il s’agit d’un continuum ».
Dans un premier temps, je n’ai pas compris le sens de cette phrase avant de me reprocher de ne pas avoir suffisamment mis à jour mes connaissances. Reprenant mes esprits, je me suis livré, comme il est recommandé en ces circonstances, à une recherche bibliographique. Hélas, trois fois hélas ! « siloté » est ignoré par le Robert : dans mon édition, désincarnation succède directement à désillusionner. En ligne, le Thésaurus du Centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS (Ortolang) se contente d’indiquer : « Cette forme est introuvable ! » Le mystère s’épaississait.
Renonçant à la recherche académique, je me suis tourné vers la méthode de la libre association psychanalytique. Prenant conscience que « siloté » contenait « silo », le sens du second signifiant dérivant du premier, il devenait dès lors plausible d’envisager que la neurologie et la psychiatrie avaient été réduites à des amas de graines stérilisées d’avoir été entassées dans des silos hermétiques, tandis que leur accouplement était susceptible d’engendrer un enfant magnifique. En somme, la méthode associative, paradigmatique de la psychanalyse, a permis de retrouver une scène primitive, fantasme originaire décrit en son temps par Freud. Était-ce vraiment la pensée profonde de ce confrère ?
L’air du temps indiquerait donc que la psychiatrie désilotée gagnerait à être fécondée par la neurologie et, mieux encore, par les neurosciences, condition sine qua non pour l’accès longuement espéré « à un statut scientifique », mettant fin au clivage cartésien entre le corps et l’esprit. Ainsi, il est souhaité un retour du balancier du cycle long qui a conduit après plusieurs années d’efforts – marqués notamment par les journées de Bonneval et la création du Syndicat des psychiatres français – à la reconnaissance de la psychiatrie.
Toutefois, comme je ne manque pas de persévérance, un Dictionnaire illustré du marketing, m’a enfin permis de retrouver la définition qui s’était dérobée jusque-là : « Le désilotage (également connu sous le nom de cross docking ou transbording) est une stratégie marketing visant à optimiser la rentabilité à travers l’utilisation de services logistiques hautement efficaces. Ce type de stratégie est utilisé par des entreprises qui stockent et expédient leurs produits à partir de leurs entrepôts . »
Ainsi donc, l’avenir de la psychiatrie passe par une rotation plus fluide de ses stocks. Alors que les psychiatres du siècle précédent soulignaient la nécessité de la continuité des soins, aujourd’hui l’avenir repose sur une rotation aussi rapide que possible des stocks (serait-ce les patients ?).
Deux rappels s’imposent. Le premier est un principe bien connu du marketing : rien n’est plus catastrophique que de promouvoir une marchandise indisponible. Certes, me dira-t-on, quand le succès n’est pas au rendez-vous espéré, il est toujours possible d’accuser la psychanalyse, obstacle au progrès. Toutefois, ce procédé, qui commence à dater, voit son efficience se réduire. Le second, plus décisif, est le principe que la médecine ne doit pas être exercée comme un commerce (article 19 du Code de déontologie médicale - article R 4127 19 du code de la santé publique). Ce principe s’impose à tous les médecins.
