FREUD ET CHARCOT            

FREUD ET CHARCOT ici

Vienne ou Paris Paris ou Vienne ?

Freud qui s’était installé à Vienne en 1882 à l’âge de 26 ans, travaille également dans le laboratoire d’anatomie du cerveau avec Meynert après avoir quitté celui de Brück. Il envisage de se marier et pour cela d’abandonner la médecine générale et d‘ouvrir un cabinet comme neurologue. Dans cette perspective il projette d’aller à Paris pour compléter sa formation concernant les maladies nerveuses. La Salpêtrière était à l’époque la Mecque de la Neurologie, on pouvait y rencontrer un grand nombre de malades. La référence incontournable en la matière était le Dr Jean-Marie Charcot. À noter que Meynert était franchement hostile à Charcot et à ses méthodes. Charcot considéré comme l’héritier du mesmérisme est à l’époque spécialiste de l’hypnose et des Hystériques. Rappelons qu’à la fin du 19ème siècle le Médecin viennois Franz Anton Mesmer découvreur du magnétisme animal s’était rendu également à Paris pour y développer sa découverte qui va devenir la pratique de l’hypnotisme.

Charcot est un personnage hors normes, incontournable. Tantôt grand neurologue de renommée européenne, tantôt médecin des dames. Grand thaumaturge régnant en maître sur la Salpêtrière Hôpital-hospice qui accueille alors une population d’environ 5000 personnes, indigents, épileptiques aliénés …etc. Il faut savoir que dans la France post-bonapartiste de l’époque on surnomme volontiers Charcot ‘’le Napoléon de la névrose.’’

Freud soutenu par Meynert obtient une bourse pour aller travailler dans le laboratoire d’anatomopathologie de la Salpêtrière, c’est le moyen de réaliser son projet qu’il avait confié à sa fiancée. Dans une de ses lettres à Martha il écrivait : ‘’ j’irai me perfectionner à Paris et je reviendrai grand professeur ‘’.

Les premiers contacts avec Pais n’enthousiasment pas Freud qui a du mal à nouer des relations, dans cette vile moins expansive que la Vienne de l’époque. L’accueil est un peu froid pour cet étranger qui peut-être maîtrise mal la langue et parle avec un accent, un moment il envisage même son retour à Vienne.

Mais rapidement il abandonne l’austère laboratoire. Il va assister aux flamboyantes représentations de Charcot, mêlé à la foule des médecins qui viennent de tous les pays. C’est un ‘’révélation’’ il devient assidu à ces présentations

Charcot maître de l’hypnose fascine par la mise en scène devant son public. Surtout il maîtrise parfaitement la relation avec les hystériques, ce qui permet à Freud de dépasser la crainte qu’ont pu lui inspirer les péripéties de l’histoire de Breuer avec Anna O. Freud propose à Charcot de traduire certains de ses articles en allemand, ce qui est accepté.

De retour à Vienne Freud va dans un premier temps explorer la pratique de l’hypnose, bientôt il constate les limites de cette démarche. Après avoir rencontré Bernheim à Nancy il abandonne l’hypnose et progressivement passera à la position allongée du patient. Freud découvre et explore la dimension du transfert. Ceci va progressivement l’amener à percevoir ce que Charcot donnait à voir de façon aussi spectaculaire et bientôt d’énoncer le rôle central de l’inconscient psychique dans la genèse des symptômes, ouvrant la voie à la psychanalyse. Pendant ce temps à Paris l’équipe de Charcot poursuit ses recherches, notamment par des expériences d’électromagnétisme, influence de différents métaux, etc. Pierre Janet son brillant collaborateur poursuivra dans la voie d’un inconscient cérébral ou neuronal, comme l’a fort bien décrit Marcel Gaucher. Mais la notion de transfert que Freud développera par la suite n’est pas dans le champ de vision de l’école de la Salpêtrière . Concernant la rencontre de Charcot, déterminante pour Freud peut-on dire que, ce que Charcot donnait à voir Freud le perçut dans l’après –coup ?

Bruno Bettelheim déclarera plus tard ‘’si la psychanalyse est née à Vienne c’est qu’elle ne pouvait naître dans nulle autre Ville. …évoquant un climat si particulier à cette Ville. Vienne capitale apaisée, n’est pas touchée alors par les soubresauts venant des confins de l’empire. C’est un lieu de convergence des cultures, des arts et des idées où se croisent artistes et intellectuels d’origines diverses.

Paris est également une capitale intellectuelle, lieu d’une grande richesse scientifique. Mais peut-être affectée par la dimension tragique du dernier quart de siècle de son histoire, on peut penser qu’il y subsistait une certaine forme de rigidité culturelle qui la rendait peu perméable à l’incertitude de l’aventure psychanalytique.

Serge Fiorina