LE « BIEN VIEILLIR » : C’EST QUOI ?

LE "BIEN VIEILLIR" : C'EST QUOI ?

Le mythe de l’éternelle jeunesse a traversé les âges. Il est probable que plus l’humanité vieillit, plus elle cherche désespérément à repousser la mort. Emblématique de notre époque, le mouvement transhumaniste réfléchit à l’utilisation des biotechnologies pour améliorer l’humanité et déclare que la vieillesse n’est plus une fatalité. D’autres, œuvrant dans le domaine de la science, réfléchissent à la manière de bien vieillir, donnant de multiples conseils pour un mode de vie optimisé.

Voici un exemple, qui pourrait s’apparenter à une fable, dont il nous appartiendrait de faire la morale : En 1998, deux médecins R. Kahn et J. Rowe, proposent un nouveau concept : le successfull aging, traduit en français par vieillissement « réussi ». Leur objectif est de comprendre et de rechercher les facteurs du bien vieillir. Ils individualisent ainsi une population de personnes âgées de plus de 60 ans, dont l’état de santé et le mode de vie leur paraissent compatibles avec cette idée et proposent trois critères pour les différentier : ils ne sont pas malades ou impotents ; ils poursuivent des investissements sociaux et de loisir ; ils conservent un bon niveau de fonctionnement physique et cognitif. Ils définissent ainsi un idéal de vieillissement, que seul, au mieux un individu sur six peut espérer atteindre.

Les circonvolutions de la recherche médicale nous amènent à nous interroger. N’y a-t-il pas danger à penser la population en classes, qui rangeraient les individus par éléments de valeur ? Certains seraient méritants parce que vieillissant merveilleusement, tandis que d’autres seraient des mauvais vieux, les distribuant à travers une échelle qui privilégierait l’efficience et mettrait de côté la qualité de vie, les dimensions psychiques ou spirituelles. La médecine ne répond-elle pas ici, à un impératif sociétal qui se concentre principalement sur le corps ? Cette année, une nouvelle loi sur la vieillesse est en préparation à l’assemblée. Elle déclare triomphalement : « Bien vieillir en France, c’est vivre plus longtemps en meilleure santé... »

Heureusement, plusieurs auteurs critiquent la notion de successful aging en formulant un argument imparable : « pour réussir sa vieillesse, ne faut-il donc pas vieillir ? » Autrement dit, le processus d’avancée en âge ne doit-il seulement être considéré comme un artefact malheureux qui consiste à perdre sa jeunesse ?

Laissons les jeunes avec leurs propres angoisses. Privilégions l’idée que le vieillissement est un énième chapitre de notre existence empli de rebondissements, une période de la vie marquée par de grands bouleversements qui touchent singulièrement, l’individu dans son intégralité, le corps notamment, mais surtout la psyché. Il nous appartient alors et surtout, de mettre en place les conditions pour que la vieillesse se déroule le mieux possible, certes par souci d’humanisme, mais aussi parce que tous, nous sommes ou serons dans l’obligation de la traverser.

Dr. Renald ASVAZADOURIAN