ASSEZ !

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Le samedi 2 décembre 2023, sur le pont Bir-Hakeim, une attaque au couteau et au marteau est commise par un homme. Une personne est tuée à coups de couteau, et deux autres blessées à coups de marteau.

En quelques heures, la possibilité et la réalisation d’un attentat sont attribués pour une part, « heureusement pour une part » selon l’expression d’un ministre de la République, à un « loupé » psychiatrique. Ainsi, sous le poids de la responsabilité politique et celle du « goût » des chaines d’information qui obéissent au record d’audience : une incompétence de praticiens de la psychiatrie devient un « bouclier » ou « une arme offensive » de tel ou tel parti politique.

Notre spécialité est brutalement lancée dans une sorte d’arène : celle du « maintenant et du tout de suite ». Une erreur est toujours possible… Mais enfin depuis Pinel et Esquirol, l’ensemble des psychiatres, de l’universitaire le plus « savant » au discret clinicien, s’accordent, après des controverses célèbres, au moins sur un point : la folie humaine, la maladie mentale n’est pas une destruction du sujet, mais sa destitution, selon l’expression lumineuse de Marcel Gauchet. Comment opère cette destitution ? Cette interrogation demande l’instauration d’un dialogue avec le malade. Et, cela demande du « TEMPS. »

Cela ne mérite-t-il pas une réflexion ; fit-elle brève ? Réfléchissons ! La médecine dont la spécialité est la souffrance d’un corps physique, un corps qui n’est pas, (disons-le pour faire bref) fantasmatique, progresse de jour en jour sous l’impulsion d’une technicité qui sauve bien des vies humaines. Qui s’en plaindrait ? Comme tous les progrès scientifiques, cette médecine s’accompagne de quelques risques et non des moindres… Le médecin devient un technicien et se veut et se doit de l’être, pour conduire son efficacité.

Il ne faut pas être un grand clinicien, un spécialiste des neuromédiateurs, bref des neurosciences, un psychanalyste ou que sais-je un « psy » quelque chose, pour constater que cette médecine incline à s’adresser, non plus à la personne du malade, mais à une maladie sans malade.

Les relations impersonnelles « médecin-malade » sont devenues la règle et vous trouverez toujours des exceptions à la règle. Mais ces heureuses exceptions semblent devenues des « anomalies ». Ce phénomène procède d’une pensée technique inséparable du « naturel » progrès de la médecine. Cette « déshumanisation » de la médecine se dissimule sous couvert de son efficacité. C’est un fait.

Ceci pour vous dire quoi ? La remarque de Henri Ey est fondamentale : « La pathologie mentale est une pathologie de la liberté humaine ». Précisons : la maladie mentale est par conséquent une pathologie de l’existence. Ce qui veut dire qu’elle ne peut pas être abordée selon une pensée technique ; ce que Husserl avait bien compris ! Le serait-elle cette psychiatrie, qu’elle contribuerait à déshumaniser un être humain. La manière dont on traite cette « pathologie de la liberté existentielle » en la jetant rapidement dans un débat politico-médiatique, révèle la manière dont notre société traite l’être humain. Il ne faut pas « creuser » bien loin pour distinguer des formes plus graves de cette déshumanisation.

 

Alain KSENSEE

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