LA PASSION D’UN HOMME

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LA PASSION D’UN HOMME

 

La passion est à la fois déraisonnable et logique et d’autant plus déraisonnable qu’elle est plus logique. (R. Dugas, dans N. Tr. De psychol. De Dumas, VI, 11.)

…Car il s’agit bien de passion…

Mais comment sommes-nous amenés à collectionner des plantes ? On peut imaginer qu’il y a avant tout un esprit collectionneur, comme un enfant qui accumule les cartons que le barman met sous le verre de bière et qui devient un cervalobélophile, comme le philuméniste qui collectionne les boites d’allumettes, l’adulte va lui donner à son envie de collectionner une dimension plus ‘noble’, par exemple collectionner des plantes. Mais l’esprit premier reste le même : L’accumulation, la possession.

Lorsque l’on a un jardin ou que l’on aime simplement les plantes, on ne pense pas au démarrage à en faire une collection, on y pense une fois quelle est en partie faite, une fois accumulé un grand nombre de plantes. Mais le nombre est-il suffisant ? Non, certainement pas à l’évidence car l’accumulation ne fait pas la qualité. Le nombre seul ne fait pas une collection. Il faut aussi protéger les plantes, les conserver, mettre à jour un inventaire rigoureux et le rendre publique. Tout cela passe par la connaissance scientifique et donc par l’observation, l’analyse de celle-ci, mais aussi et pourquoi pas par l’enseignement, l’écriture qu’il s’agisse d’articles ou de blog.

Alors si collectionner les plantes peut paraître curieux à certains, ce genre d’activité procède de la même façon que pour tout collectionneur, les mêmes pulsions irrépressibles, le même appétit insatiable, la même excitation et parfois émotion lors d’une nouvelle acquisition. Et tant pis si la « collectionnite » est selon les psychiatres une survivance de pulsions archaïques et enfantines, (possession, activité spontanée, surpassement et classement), ce qui fait la différence avec le comportement de l’enfant est la passion et le rationalisme ordonné.

Pour rendre ces collections possibles existe depuis 1988 les CBN, (conservatoire botanique national), agréé par le ministère chargé de la protection de la nature et spécifique d’une zone géographique donnée. Les organismes ainsi agréés ont un caractère scientifique et sont spécialisés dans la connaissance et la conservation des plantes sauvages menacées sur le territoire national. En 2004, leurs missions ont été étendues officiellement à la connaissance de l'ensemble de la flore sauvage et des habitats naturels, ainsi qu'à leur conservation. Ils sont regroupés par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux.

En 1989 Le Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées (CCVS) voit le jour à l'initiative de scientifiques et d'amateurs passionnés. Il s'est donné pour mission de rassembler tous ceux qui souhaitent œuvrer contre la disparition de cette richesse et de cette biodiversité. Bon nombre de collections sont ainsi attribuées à des jardins botaniques, institutions, collectivités locales et amateurs.

Je possède donc la Collection Nationale de géraniums vivaces. Et mon Dieu, que de mal lorsqu’il s’agit d’expliquer aux béotiens que les plantes que je cultive sont assez éloignées de celles que l’on suspend à son balcon…. Il s’agit bien de géraniums vivaces et non de pélargoniums. Mon orientation actuelle va vers les espèces botaniques que l’on dit aussi ‘sauvages’ et qui poussent spontanément dans la nature. Ce ne sont souvent pas les plantes les plus spectaculaires pour le jardinier mais ces plantes font partie de notre Patrimoine Végétal Vivant ©. Ce patrimoine est menacé par l’anthropisation irresponsable de nos milieux naturels par la seule volonté de l’homme. Pour se faire il faut se constituer un réseau international, et savoir donner avant de recevoir. L’autre solution est de voyager et d’aller sur place les voir avant de se les approprier car on ne fait pas n’importe quoi. On sait parfaitement où aller et quel est le statut des plantes sur la fameuse liste rouge des plantes menacées (UICN).

Le premier géranium que j’ai ainsi réintroduit en 1996 est G. Cazorlense. Connu depuis sa découverte par Heywood en 1954, il avait disparu des collections. La station où il se trouve, située en Andalousie dans la Sierra de Pozo Alcón, au Picos Cabañas à 2028m d’altitude est toute petite, quelques m2 et nous n’avions comme seule indication qu’une arche dolomitique que nous eûmes beaucoup de mal à trouver dans le brouillard et la pluie battante. Cette station ne comporte que quelques pieds de géranium et c’est une espèce à protéger et à maintenir dans les Conservatoires de Botaniques. Ma boulimie m’a ainsi conduit dans le Namaqualand en Afrique du Sud, 5 fois au Chili, mais aussi en Equateur, le royaume des orchidées et en Asie centrale.

Il reste beaucoup de plantes, connues uniquement par des planches d’herbier, à réintroduire…. Si elles n’ont pas disparu, broutées par des moutons ou détruites par l’homme et sa folie d’urbanisation et de profit. Pour conclure avec une petite note optimiste, on découvre et décrit plus de 2000 plantes nouvelles chaque année…

 

Dr Dominique EVRARD

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