L’ANGOISSE DE SEXUATION PUBERTAIRE – ASP

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L’ANGOISSE DE SEXUATION PUBERTAIRE – ASP

" Une nouvelle proposition clinique "

Une nouvelle entité clinique ?

L’édition numérique de la Revue Psychiatrie Française publie cette proposition clinique dans le cadre de sa rubrique intitulée « Clinique de la Relation. A la recherche d’une nouvelle sémiologie ». Cette publication est une contribution à une recherche clinique qui est et se doit d’être en dehors de toute position idéologique et politique.

Cette proposition clinque concerne uniquement les adolescents et essentiellement les adolescentes qui souhaitent changer de sexe et expriment le souhait de devenir des garçons. Cette étude ne concerne pas les personnes adultes qui souhaitent changer de sexe.

Les auteurs souhaitent que les praticiens qui reconnaissent la validité de cette proposition clinique, puissent exprimer leur accord par une signature en prenant contact par un courriel à l’adresse mail suivante : ASPpropositionclinique@gmail.com

Cliquez ici pour consulter la liste des signataires.

Entretien avec Céline Masson - Coauteur

En introduction ou en complément de cet article, nous vous proposons de visualiser l'interview d'une des auteurs : Céline Masson, qui explique cette proposition clinique. Pour y accéder, cliquer sur l'image "YouTube" !

 L’ANGOISSE DE SEXUATION PUBERTAIRE – ASP

 

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde », Albert Camus, 1944.

Si Camus a forgé sa réflexion tant de fois citée dans le contexte particulier de la manipulation des esprits par la propagande totalitaire, nous souhaitons proposer, en tant que professionnels et chercheurs, un regard objectif et une terminologie précise sur ce que l’on nomme « dysphorie de genre » (ou « incongruence de genre ») afin de définir de manière raisonnée les troubles de la sexuation adolescente : nous parlerons désormais d’« angoisse de sexuation pubertaire » (ASP).

 

1. Une description prosélyte

Depuis plus de dix ans, un mouvement activiste s’est efforcé de définir des droits et des normes de soins médicaux spécifiques pour les personnes s’estimant « transgenre ». Les professionnels de santé qui adoptent leurs recommandations, doivent aider les mineurs qui se ressentent « trans » à faire leur transition sociale puis médicale en les accompagnant sans interroger leur demande.

Étant donné l’invention incessante de nouveaux genres (gender queer, gender fluid, agenre, xénogenre, libragenre, etc.), les cliniciens ne peuvent accepter comme réalités scientifiques des propositions provenant du champ de la militance et des modes sociales. D’autant que les discours autour du genre, conceptualisés dans le champ de la philosophie, se revendiquent ouvertement de la « subversion politique » et présentent la transition de genre de façon poétique comme « un voyage extraordinaire » et comme une « révolution »(1).

Cette poétisation et cette politisation véhiculées par les médias, sortent radicalement du champ médical. Si la dysphorie de genre, comme on le verra, n’est plus une pathologie, est-elle pour autant une norme sociale désirable ? Si l’on prétend être « non-binaire », pourquoi cela devrait-il aboutir à des soins médicaux ? Et si le genre est « fluide » et changeant, est-il raisonnable de proposer des modifications du corps irréversibles ? Les adolescents qui cherchent un sens à leur malaise sont lourdement influencés par cette médiatisation trompeuse à laquelle les médecins transaffirmatifs adhèrent sans retenue.

Aujourd’hui, la notion de genre qui s’est imposée dans les milieux intellectuels, dans la société et jusque dans la médecine sans avoir fait l’objet d’une conceptualisation proprement médicale autre qu’intuitive, doit être réexaminée, dans ses contradictions et ses biais. La croyance selon laquelle un mal-être peut être résolu par un changement de sexe ne possède aucun fondement empirique et constitue un leurre : on ne change pas de sexe, mais seulement d’apparence physique, non sans conséquences médicales. L’idéologie trans prétend « guérir » un mal-être psychologique auto-diagnostiqué par des bloqueurs de puberté, des traitements hormonaux, des mastectomies. Or, s’il y a un trouble d’ordre psychologique, il doit être envisagé comme tel et clairement décrit à partir d’une nosographie rigoureuse. Il est dangereux d’admettre, par simple idéologie, qu’un ressenti psychologique trouve mécaniquement une solution hormonale ou chirurgicale, qu’un changement d’apparence du corps soit forcément le remède à un questionnement identitaire s’agissant de jeunes personnes en pleine construction, physique et psychologique. Le hiatus entre souffrance de l’adolescent et intervention sur le corps ne peut être banalisé et on ne peut considérer qu’il se résoudra sans prendre en compte la gravité des effets induits par des mesures invasives voire irréversibles sur le développement de l’adolescent.

 

2. Le diagnostic de « dysphorie de genre » remis en cause

Mais comment a été défini dans le champ psychiatrique le malaise des personnes qui s’identifient trans lorsqu’on sait que les classifications permettent aux professionnels de partager des informations standardisées et des prescriptions à travers le monde ?

Dans le DSM (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie), la dysphorie de genre, apparue en 2015, a remplacé le transsexualisme jugé discriminant. « Gender dysphoria » traduit par « dysphorie de genre »(2) décrit la détresse d’une personne qui se désigne transgenre en exprimant un sentiment d’inadéquation ou non-congruence entre son « sexe assigné » et son « identité de genre ». Pour poser ce diagnostic, la souffrance induite par l’inadéquation entre le genre vécu ou exprimé et le genre assigné doit durer au moins 6 mois.

En 2022, l’expression « incongruence de genre » est inscrite dans la Classification internationale des maladies (CIM).

Les associations transactivistes ont approuvé ces qualificatifs et surtout milité pour proscrire toute référence à la psychiatrie. Elles ont été exaucées car ces termes ont été déplacés de la rubrique « santé mentale » à celle de « conditions relatives à la santé sexuelle ».

Le rapport final de la pédiatre Hilary Cass qui vient d’être publié(3) (« Pour que les jeunes qui remettent en question leur identité de genre ou qui souffrent de dysphorie de genre reçoivent un niveau élevé de soins, qui réponde à leurs besoins, soit sûr, holistique et efficace ») souligne que le diagnostic de « dysphorie de genre » ou d’« incongruence de genre » n’a aucune valeur prédictive. Cela signifie qu’un jeune, quel que soit son âge, peut remplir tous les critères diagnostiques au jour J mais aucun critère fiable ne permet de savoir si ce sera toujours le cas plus tard, dans les prochains mois ou les prochaines années. Il y a donc un risque de surdiagnostic et de traitement abusif notamment pour les plus jeunes. On peut lire dans ce rapport : « les preuves actuelles suggèrent que les enfants présentant une incongruence de genre à un jeune âge sont les plus susceptibles de cesser avant la puberté, bien que pour un petit nombre l’incongruence persiste. »(4)

La conclusion est sans appel : le modèle de soins dit « d’affirmation du genre » qui traite les déclarations performatives d’identité de genre des jeunes adolescents comme une indication médicale à modifier le corps selon le désir du jeune est révolu en Angleterre.

Hilary Cass préconise une prise en charge globale qui suppose d’abord une psychothérapie de soutien afin d’explorer ces situations qualifiées de « gender-related distress ».

Voilà pourquoi nous remettons en question la qualification de « dysphorie de genre » pour décrire le malaise adolescent exprimé majoritairement de nos jours par des jeunes filles. Ce diagnostic est posé dans les services de genre et par des médecins de ville. Il est fortement influencé par le transactivisme : les directives émanent d’organismes militants qui ont forgé des diagnostics militants. Au nom de la défense de l’auto-détermination de l’enfant et de l’affirmation de genre dès l’enfance, la souffrance réelle de ces adolescents a été instrumentalisée et les pathologies associées déniées. Or, les prescriptions médicales qui en découlent sont radicalement remises en question non seulement en Angleterre comme on vient de le voir mais aussi dans plusieurs pays pionniers comme la Finlande et la Suède.

 

3. L’angoisse de sexuation pubertaire (ASP) : nouvelle proposition clinique

La pression physiologique, neuropsychologique et psychique pubertaire associée à l’apparition des caractères sexuels secondaires, bouleversent les repères de l’enfant. À cette période, l’enfant peut ressentir un mal-être plus ou moins profond qui le pousse à chercher autour de lui des repères identificatoires stabilisants. Il a tendance à fuir ce qui le dérange, là où il ne se reconnaît pas, et à être attiré par des offres séduisantes, apaisantes et valorisantes.

Voici comment nous, professionnels, proposons de formaliser cette forme de malaise adolescent que nous nommons à présent : angoisse de sexuation pubertaire (ASP).

Il s’agit d’un trouble caractérisé par le rejet massif et persistant des changements corporels, contemporain de l’apparition des caractères sexuels secondaires. Ce rejet est accompagné d’un sentiment de détresse qui rend l’habituation aux changements du corps particulièrement problématique.

Rejet et détresse peuvent s’exprimer par une ou plusieurs manifestations ayant un impact sur la vie sociale et familiale du jeune comme :

1. Détresse marquée et persistante pouvant aller de l’anxiété aux attaques de panique en lien avec l’apparition des caractères sexuels secondaires.

2. Préoccupations excessives et persistantes (ruminations, anxiété d’anticipation) liées à la perception, aux sensations ou à l’acceptation des changements corporels.

3. Honte de son physique en lien avec les caractères sexués du corps, notamment les seins pour les filles ainsi que le rejet des menstruations

4. Mise en place de stratégie d’évitement, d’hypercontrôle, de camouflage des caractères sexués

5. Peur, anxiété, angoisses ou attaques de panique dans une ou plusieurs situations sociales avec comme cause alléguée la peur du jugement ou celle de la perception par autrui des caractères sexués du corps.

6. Tristesse de l’humeur avec une culpabilité excessive et une possible dévalorisation en lien avec les changement et caractères sexués du corps.

7. Sentiment d’insécurité comme la peur d’une agression liée à la perception par autrui des caractères sexués du corps.

8. Peur intense du passage à l’âge adulte et d’une sexualité d’adulte, qu’elle soit hétéro/gay ou lesbienne

9. Changement d’humeur, intolérance, colère à la moindre frustration interprétée de façon rigide comme le sentiment d’être incompris.

 

Ces troubles se verront aggravés s’ils sont précédés et accompagnés de comorbidités comme :

- un trouble du comportement alimentaire

- une anxiété sociale

- un état dépressif

- des antécédents d’agression sexuelle et/ ou un état de stress post traumatique

- des troubles neurodéveloppementaux comme le trouble de l’attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H)

- des troubles du spectre autistique (TSA)

 

Ces jeunes « mal dans leur peau », s’interrogeant sur leur sexualité, cherchent sur les réseaux sociaux et/ou auprès de leur groupe de pairs à mettre des mots sur leur maux. Ils trouvent auprès d’influenceurs ou de sites transactivistes, dans certains discours médiatiques et universitaires (véhiculés aussi par les médias et les réseaux sociaux), une solution rapide et radicale qui abonde dans le sens du rejet de leur corps : « si tu te sens mal c’est que tu es trans ». Cet « auto-diagnostic » est fortement suggéré et renforce chez ces jeunes le rejet de leur corps et l’impossibilité de prendre le temps nécessaire pour s’adapter au changement.

Sous cette influence, le comportement qui s’ensuit est alors souvent le suivant :

- Affirmer la conviction d’être « né dans le mauvais corps » et de le savoir depuis l’enfance

- Refuser toute investigation de l’origine de leur malaise

- Affirmer l’existence de pulsions suicidaires en vue d’obtenir une prescription de bloqueurs de puberté ou d’hormones croisées (selon l’âge)

 

L’angoisse de sexuation pubertaire nécessite une grande prudence dans les réponses à y apporter :

- Les prescriptions hormonales doivent être proscrites avant la majorité

- Une évaluation complète (individuelle, familiale et sociale) ne peut pas être assimilée à une thérapie de conversion(5)

- La prise en charge thérapeutique (psychologique et psychopharmacologique) fondée sur des données probantes doit être adaptée à chaque situation d’ASP et aux affections concomitantes si elles existent

- Toutes les formes de prise en charge psychothérapeutiques sont valides en première intention.

 

Les professionnels de l’enfance, médecins, psychologues, psychanalystes, enseignants, juges des enfants et chaque citoyen peuvent, chacun à leur niveau, récuser une langue de bois auto-proclamée « progressiste » qui veut s’imposer comme norme non seulement sur le plan culturel mais jusque dans les décisions médicales. Mais un mauvais diagnostic ne peut conduire qu’à une mauvaise prise en charge. L’enjeu est capital car il concerne tant la liberté de penser et de s’interroger sans pressions politiques, que la santé des enfants et leur liberté de se développer sans emprise idéologique.

 

Par :

Céline Masson

- Psychanalyste, Professeur des universités

Caroline Eliacheff

- Pédopsychiatre, Psychanalyste

Jean Szlamowicz

- Linguiste, Professeur des universités

Thierry Delcourt

- Pédopsychiatre, Psychanalyste

Pamela Grignon

- Psychologue clinicienne TCC

 

Notes des auteurs :
  1. « Le message de Paul B. Preciado : ‘‘Rejoignez la révolution et soyez des monstres !’’. « Le corps comme paysage érotique. La transition de genre comme voyage. Ces images sont celles du philosophe Paul B. Preciado pour raconter sa métamorphose, le passage de la frontière de femme à homme. Pour lui, la transidentité est une des choses les plus belles et joyeuses qu'il ait jamais faites dans sa vie. » https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/chacun-sa-route/paul-b-preciado-la-transition-de-genre-est-un-voyage-extraordinaire-2670913
  2. Littéralement, le syntagme « dysphorie de genre » se décompose comme une « pénibilité » (dys- renvoie à la négativité et pherein, « porter », « supporter ») concernant « le genre », ce qui tend à faire de la notion de « genre » un concept opératoire alors qu’il n’existe aucun consensus sur la définition de ce mot.
  3. On peut consulter cet important rapport ici : https://cass.independent-review.uk/home/publications/final-report/ Et une synthèse : https://segm.org/Final-Cass-Report-2024-NHS-Response-Summary
  4. Rapport Cass, point 144, p.41
  5. La notion de « thérapie de conversion » est un épouvantail rhétorique créé par le transactivisme pour bloquer toute critique et pose, de manière arbitraire, qu’il existerait une essence « trans », ontologiquement établie. De façon évidente, c’est bien le « changement de sexe » qui consiste, littéralement, en une « conversion » afin d’atteindre un alignement putatif entre l’âme et le corps. Sur le sujet, voir Petite mystique du genre, François Rastier, Intervalles, 2023.

 

17 Comments

  1. VIAUX dit :

    Qui a dit
     » La loi française se contredit lorsqu’elle reconnaît une capacité de discernement à un mineur de treize ou quatorze ans qu’elle peut juger et condamner, alors qu’elle lui refuse cette capacité quand il s’agit de sa vie affective et sexuelle. »
    L’argument que j’ai entendu de dire qu’il fallait tenir compte seulement de la parole de l’enfant ou adolescent pour bloquer sa puberté et éventuellement procéder avant sa majorité à un changement d’assignation de sexe est exactement de même nature.
    Qui l’a dit ? Louis Aragon, Francis Ponge, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Judith Belladona, docteur Michel Bon, psychosociologue, Jean-Louis Bory, François Chatelet, Patrice Chéreau, Jean-Pierre Colin, Copi, Michel Cressole, Gilles et Fanny Deleuze, Bernard Dort, Françoise d’Eaubonne, docteur Maurice Eme, psychiatre, Jean-Pierre Faye, docteur Pierrette Garrou, psychiatre, Philippe Gavi, docteur Pierre-Edmond Gay, psychanalyste, docteur Claire Gellman, psychologue, docteur Robert Gellman, psychiatre, André Glucksmann, Félix Guattari, Michel Foucault et beaucoup (trop) d’autres …. , le 26 janvier 1977 dans Le Monde.
    Ne pas se souvenir de cet épisode sinistre de promotion de la pédophilie serait une faute : donc oui il faut écouter l’enfant qui souffre de sa sexualité, de son apparence sexuelle, de son identité, mais pas pour l’instrumentaliser de façon militante en plaquant des mots, pseudo concepts, et le livrer à la médecine (tout en réfutant qu’il y ait pathologie …. comble de la tartufferie !) mais bien pour l’aider. La négation de la complexité de la sexualité infantile et adolescente et la transformation d’une souffrance vraie en slogan fait le lit de la marchandisation des corps.
    Alors oui promouvons une entité clinique, l’ASP, qui décrit correctement cette souffrance.
    « CLinique il y a chaque fois qu’il s’agit de mettre fin au massacre de l’identité dans nos sociétés contemporaines », a écrit A. Papagoergiou-Legendre (Filiations 1990)

    • Alain KSENSEE dit :

      Enfin un « psy » qui ose, qui écrit, qui parle et « dit » les choses. Nous nous devons de dire, de demander, d’interroger le champ social car la pratique des psychologues cliniciens et surtout celle des psychiatres est adossé au champ culturel. Toute l’histoire de la psychiatrie nous le montre pour ceux qui acceptent de le voir et de lever les yeux du DSM et des protocoles. Nous attendons vos billets de la semaine (regardez la rubrique billet de la semaine) et n’hésitez pas à rédiger un article qui pourra être éventuellement publié dans la revue « Dialogue et Controverse » qui va succéder à la Revue Psychiatrie Française.

  2. Besset dit :

    Merci pour cette proposition clinique que je partage entièrement.
    Je pense qu’il pourrait être important d’évoquer aussi le poids du prénom dans ce sentiment d’être né dans le mauvais corps. J’ai repéré, dans ma pratique clinique, ces adolescents qui ne supportent pas, au sens propre, leur prénom de naissance. Se re-nommer leur apporte souvent un premier soulagement.

    • Alain KSENSEE dit :

      Un de nos collègues et non des « moindres » a une approche tout à fait intéressante qui traite de la demande de changement de sexe d’une manière générale. Nous espérons qu’il répondra positivement à notre souhait de publier son propos qui élargit la notion de changement de sexe et sa pratique aux différentes époques de notre culture judéo chrétienne. Votre propos est intéressant et m’a fait pensé à une remarque d’une psychanalyste qui attribuait au prénom une valence qui mettait en tension l’identité sexuelle car choisit par les parents et pour certains prénoms par une tradition familiale.
      N’hésitez pas à écrire et à nous faire part de votre expérience clinique. Par exemple: pourquoi ne pas rédiger un billet de la semaine, c’est à dire un moment d’humeur ou un point clinique en respectant une contrainte: pas d’observation clinique car nous ne voulons avoir aucun problèmes au sujet de l’anonymat des personnes en traitement.

  3. véronique rouault plantaz dit :

    Le néologisme militant de « dysphorie de genre » a été forgé, entre autres, dans le but d’exploiter à des fins d’efficience pratique, le matériau « caractère performatif de la nomination » (initialement décrit sous forme de « caractère performatif de la parole », lequel doit être étendu, car le biais sociologique des réseaux sociaux est l’absence de véritable parole). Cette construction verbale, portée par un véhicule ainsi désincarné, vise à induire puis ancrer, de façon quasi automatique chez les jeunes prépubères, la certitude que leur configuration psychique du moment correspond à une entité scientifiquement identifiée, immuable, univoque, dont la prise en charge affirmative, fallacieusement confirmative sur le mode rétroactif, est présentée par ce groupe idéologique comme pouvant n’être que matérielle et surtout pas symbolique. La précocité d’un tel embrigadement verbal fait partie des objectifs militants du transgenrisme, puisque les décisions irréversibles doivent être obtenues avant toute expansion de l’esprit critique et de l’expérience sexuelle chez la population visée. Rappelons que radicalité signifie « à la racine ». En particulier, le public prépubère se sentira justifié, déculpabilisé, donc soulagé à court terme, par un cadre verbal maîtrisé qui se propose d’offrir un squelette rigide sécurisant, prétendument scientifique, de groupe, en lieu et place d’un sentiment subjectif de soi, solitaire, flottant, donc déroutant et angoissant. Par ailleurs, le succès visé par la manœuvre conjointe linguistico-chirurgico-chimique du transgenrisme, repose sur l’instinct grégaire ( effet rassurant, réconfortant, protecteur du groupe, et sa « bénédiction intellectuelle »), et donc sur l’espoir d’une augmentation exponentielle de la population ainsi idéologisée. Le bénéfice de déculpabilisation fonctionne comme une chaîne de Ponzi, par recrutement et ralliement : d’où l’impérieuse nécessité de croissance par tous les moyens activement mis en œuvre.
    Il était grand temps de réagir en diffusant l’excellente terminologie (non-néologique, non-idéologique, et simplement descriptive) d’Angoisse de Sexuation Pubertaire, à laquelle on ne peut que souhaiter longue vie et abondante postérité. Elle contribuera désormais à l’affirmation ferme, raisonnée, du refus d’utiliser le terme biaisé de dysphorie de genre. Différentes générations, groupes humains, groupes de réflexion, sont et seront confrontés à cette question. On pourrait suggérer d’élargir l’éventail des possibles (et donc des auto-projections) en subdivisant l’ASP sous certains adjectifs : je propose ASPT (angoisse de sexuation pubertaire transitoire) et ASPP (angoisse de sexuation pubertaire pérenne) qui permettrait à long terme l’établissement de statistiques plus affinées. Cette subdivision impliquerait qu’on prenne le temps de ne pas catégoriser d’emblée le et la jeune, « impétrants » à une vie d’adulte épanouie et assumée.

    • Céline Masson dit :

      Merci à vous pour vos très pertinentes analyses

      Nous allons réfléchir à vos propositions d ASPT et d ASPP qui concernerait les jeunes majeurs

      Cordialement Céline Masson

  4. Aard dit :

    Merci

    • Alain KSENSEE dit :

      Bonjour!

      Nous sommes très touchés par ces quelques mots. Pourquoi Merci ? Dites nous en plus!

  5. Alain Giami dit :

    Merci pour cette discussion. J’ai cependant noté quelques imprécisions dans les commentaires de Madame Véronique Rouault Plantaz:
    1 : Les termes dysphorie de genre et incongruence de genre sont pas le produit d’une réflexion activiste comme il est écrit dans un commentaire mais bien le résultat de tout un travail de réflexion préalable à la préparation du DSM 5, alors sous la direction de Kenneth Zucker et publié dans la revue Archives of sexual behavior et dans d’autres revues psychiatriques telles que International Review of Psychiatry par exemple. Des auteurs comme P. Cohen-Kettenis ou H. Meyer-Bahlburg, notamment, reconnaissent l’influence des mouvements politiques Trans dans l’élaboration des nouveaux diagnostics. Ils notent plusieurs tensions entre d’une part l’opposition entre le normal et la pathologique et la reconnaissance de la diversité des profils et d’autre part, la question de la pathologisation et de la stigmatisation associée au diagnostic qui en rajouterait encore au distress associé à la condition. Mais on peut considérer que l’influence de « la société » dans l’établissement des catégories diagnostiques a toujours été omniprésente dans l’histoire de la psychiatrie, et plus que toute autre spécialité médicale la psychiatrie y est sensible. Les exemples de la schizophrénie torpide (dans la psychiatrie soviétique) et de l’homosexualité exclue du DSM en 1973, en pleine guerre du Vietnam à San Francisco sont les principaux exemples de la sensibilité de la psychiatrie aux idéologies politiques et religieuses. Thomas Szasz avait déjà démontré cette influence il y a quelques années. Donc, il me semble difficile de rejeter les concepts de dysphorie de genre ou d’incongruence de genre comme de simples artefacts militants.
    2 – Thérapie de conversion: Dans une note n°5, les auteurs de l’article considèrent que « La notion de « thérapie de conversion » est un épouvantail rhétorique créé par le transactivisme », j’observe une autre imprécision.
    Les thérapies de conversion ont été interdites par la loi en France : loi du 31 janvier 2022 et ses formes de traitement – biologiques, hormonaux ou psychothérapeutiques n’ont certainement pas été inventées par les activistes trans quels qu’ils / elles soient. Ce terme est certainement inapproprié concernant les psychothérapies de soutien aux adolescents trans.
    3 – Le renvoi de l’interlocuteur dans le champ de l’idéologie est un grand classique des controverses scientifiques ou l’un prétendant se situer des « faits » renvoie l’autre dans le domaine des « valeurs » (Collins, 1990) et je ne situerais pas le débat dans ce cadre là.
    D’autres réflexions viendront plus tard.
    Je précise que je ne suis pas clinicien – praticien (mais j’ai une formation analytique) et que je m’intéresse principalement à l’histoire des idées médicales et psychiatriques et aux controverses dont ce champ est le lieu.

  6. Caroline Eliacheff dit :

    Cher Monsieur, dans la longue histoire du DSM de nombreuses publications nos ont montré que les « influences » jouaient un rôle non négligeable notamment les laboratoires pharmaceutiques. Concernant la dysphorie de genre, vous dites vous-même qu’il y a eu des influences transactivistes. Elles sont revendiquées notamment par la WPATH. Comme pour l’homosexualité, ce n’est pas l’ensemble des médecins qui a voulu la sortir des maladies mentales mais une partie d’entre eux sensible aux arguments des mouvements gay aux USA. Et le résultat est le fruit d’un compromis plus de d’arguments scientifiques de part et d’autre.
    Concernant la note 5 sur les thérapies de conversion: vous avez noté que « thérapie de conversion » était entre guillemets ce qui signifie assez subtilement qu’on ne parle plus de leur contenu mais de l’utilisation qui est faite de ces mots. Comprise de cette façon, cette note est parfaitement exacte.
    La loi sur l’interdiction des thérapies de conversion ne présentait aucune urgence car ces thérapies étaient quasi inexistantes en France. Nous approuvons évidemment qu’elles soient interdites. L’intérêt pour certains parlementaires était d’y introduire les « trans » afin de déconsidérer voire d’éliminer la prise en charge psychothérapeutique au profit d’une prise en charge directement médicale. L’amendement visant à les exclure de la loi a été recalé et heureusement
    quelques précautions ont été prises.

  7. Alain Giami dit :

    Merci pour votre réponse :
    En focalisant vos critiques sur le DSM, je crois que vous vous trompez de cible, en ne prenant pas en compte la CIM de l’OMS qui a sorti l’incongruence de genre du champ des troubles mentaux (ex Chap. 5) pour créer chapitre 17 « troubles associés à la santé sexuelle ». L’APA et l’OMS sont soumises à des impératifs politiques et idéologiques de nature différente et les classifications et les catégories nosographiqiues ont toujours été le résultat de compromis, d’arrangements politiques. Pour l’OMS, le souci principal a été de maintenir la catégorie « incongruence de genre » dans le champ de la classification des troubles afin de na pas exclure l’accès aux soins des systèmes d’assurance maladie. Même une inclusion dan la catégorie Z aurait entrainé l’exclusion des systèmes d’assurance maladie.
    Sur la question de l’homosexualité, il n’y a eu quasiment que les psychanalystes de l’APA (menés par Charles Socarides) qui se sont opposés à son exclusion du champ des troubles mentaux, l’OMS n’a suivi cette piste que près de 15 après.
    Quant aux influences sociétales sur l’établissement des catégories nosographiques, elles sont multiples et je ne partage pas le point de vue selon lequel il y aurait d’un coté une science pure et indemne de toute influence politique et de l’autre de l’idéologie. Dans ce genre de controverse, les parties en présence se renvoient mutuellement du coté des « valeurs » et se situent du coté des « faits » ou de la science, comme si une posture médicale – fut-elle fondée sur des preuves – pouvait être indemne de valeur, ou d’idéologie. Tout le problème est d’essayer d’identifier la part de science et d’idéologie dans chaque posture ou au mieux d’accepter leur assemblage … Pour parler comme Robbe-Grillet, l’idéologie c’est toujours la posture de l’autre.. ou même la science de l’autre…
    Tout ceci est passionnant et on assiste à nouveau à l' »Invention » de nouvelles catégories nosographiques et détricotage d’autres

    • Céline Masson dit :

      Cher collègue

      Vous avez tout à fait raison.
      Nous allons toutefois convenir qu’il était urgent de proposer un autre diagnostic pour cette nouvelle cohorte d’adolescents (dont une majorité de filles) qui ne sont pas trans et qui trouvent une réponse à leur malaise dans le diagnostic de « dysphorie de genre » ou « incongruence de genre ».
      Il nous a semblé urgent de qualifier autrement ces jeunes transidentifiés afin de les aider, d’où notre proposition clinique d’ASP.
      La « dysphorie de genre » est devenue un diagnostic à spectre large.

  8. Céline Masson dit :

    Cher collègue

    Vous avez tout à fait raison.
    Nous allons toutefois convenir qu’il était urgent de proposer un autre diagnostic pour cette nouvelle cohorte d’adolescents (dont une majorité de filles) qui ne sont pas trans et qui trouvent une réponse à leur malaise dans le diagnostic de « dysphorie de genre » ou « incongruence de genre ».
    Il nous a semblé urgent de qualifier autrement ces jeunes transidentifiés afin de les aider, d’où notre proposition clinique d’ASP.
    La « dysphorie de genre » est devenue un diagnostic à spectre large.

  9. RobK dit :

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  10. Baily dit :

    Simple particulier, je suis heureuse d’avoir reçu une proposition de signature de pétition me faisant découvrir votre démarche intellectuelle, psychologique et sociale, ce large regard. Comme tous, je suis environnée de discours sociaux et militants dont je ressens les errances, sans avoir pu les pointer du doigt. Il m’est difficile de les exprimer, tant de le rejet et la catégorisation sont risqués, fréquents, rejetant alors l’ensemble des idées, quel que soit le domaine, que je pourrais avoir exprimées. Je connais personnellement un couple dont la fille, vivant particulièrement difficilement son adolescence, a cru trouver la cause de ses souffrances, bien réelles, en se découvrant « garçon ». Malheureux mais se voulant ouverts, à l’écoute, les parents ont entendu sa demande, y ont répondu, suivi le protocole médico-psychologique correspondant. Manon (prénom d’emprunt) a suivi le processus, s’est fait ôter les seins… Elle a changé d’orientation puis abandonné ses études. Adulte, elle ne travaille pas, et est maintenant officiellement considérée ayant un handicap. Elle -ou plutôt il- vit grâce à des aides publiques liées à son état mental. C’est d’une tristesse profondément affligeante.
    Veuillez excuser l’approximation de mes propos.

    • Alain KSENSEE dit :

      Chère Collègue,
      Comment ne pas partager votre émotion ? Nous vivons professionnellement une période difficile si ce n’est « tragique. » Il nous faut en préciser les ressorts et la dynamique. La jeune fille que vous évoquez doit nous encourager à réfléchir aux conditions de la consultation en pédopsychiatrie et d’une manière générale en psychiatrie. L’absence d’une « base » solide de ce qui fait la particularité de notre rencontre, de la consultation est souvent à l’origine de décisions regrettables, inadéquates. Docteur Alain KSENSEE

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