« METAPHYSIQUE DES TUBES » ET PERINATALITE

« METAPHYSIQUE DES TUBES » ET PERINATALITE

En lisant l’un des premiers livres d’Amélie Nothomb, peut-être le plus PROFOND, « métaphysique des tubes », on découvre le récit de sa vie néonatale, récit certes reconstruit mais riche en images d’une vérité étonnante pour le pédo psychiatre.

Selon Amélie, « au commencement, il n’y avait rien ; et Dieu vit que c’était bon… le nouveau-né est Dieu et ses yeux sont perpétuellement ouverts car il n’y a rien à regarder, il n’y a rien d’autre que « lui-même ». Elle poursuit :

…. « Dieu était l’absolue satisfaction, il ne voulait rien, ne percevait rien, ne s’intéressait à rien, pas de langage, pas de pensée ; il était satiété et éternité ».

Elle ajoute encore :

… « Les seules occupations de Dieu étaient la déglutition, la digestion et en conséquence l’excrétion…A ce stade de son développement nous appelons Dieu « le Tube » et Dieu connaissait la sérénité d’un cylindre qui filtrait l’univers et ne retenait rien » …

Elle poursuit encore :

« ….Les parents du Tube sont inquiets ; ils consultent des médecins qui parlent d’ apathie pathologique et gentiment les parents appellent leur bébé : « la plante »…

Cette description poétique littéraire correspond très exactement à ce que les pédopsychiatres contemporains postérieurs à D Winnicott, de W.Bion , D. Houzel , à B. Golse , considèrent comme le stade préobjectal de la vie extra utérine : le fœtus ,à peine né, est un organisme vivant mais il n’a pas encore la réflexivité qui lui permet de se sentir exister.

Le bébé du sentiment d’être au sentiment d’exister est d’ailleurs le titre du petit livre (petit mais très savant) que B Golse consacre à ce sujet.

Comme le « Dieu » de A. Nothomb (A.N.) le bébé se sent « un organisme vivant » , avant de se sentir « exister » ; Exister c’est être en lien à l’autre à travers l’échange sensorial (l’intersubjectivité).

Le sentiment d’être vivant est préobjectal (bien exprimé par Dieu chez AN) ; par contre, le sentiment d’exister dépend de la découverte des objets extérieurs.

Le nouveau-né peut, peut-être, saisir psychiquement le lien à l’objet, avant même de se représenter l’objet lui-même. On sait l’importance de soigner ce lien afin de permettre au bébé de découvrir l’objet (par intersubjectivité) puis de se découvrir lui-même comme sujet (travail de subjectivation).

Il ne suffit donc pas de naitre physiquement pour naitre psychiquement ; les enfants autistes le montrent bien.

Revenons à A.N. et à ses fortes paroles : sur un sens de première importance, la vision :

« n’était son absence de regard, le Tube était un beau bébé calme…la vie commence où commence le regard ; Dieu n’avait pas de regard »…. Elle ajoute « le regard est un choix ; Regarder c’est se fixer sur telle chose et donc exclure de son attention le reste de son champ de vision… le regard qui est l’essence de la vie est d’abord un refus…celui qui accepte tout ne vit pas plus que l’orifice d’un lavabo... Dieu n’avait rien choisi , c’est pourquoi il ne vivait pas ».

On sait bien que la construction du cerveau débute dès la grossesse par la mise en place de zones cérébrales dédiées à la sensorialité et que cette construction se poursuit à l’air libre pendant au moins trois ou quatre années. Le début de la vie relationnelle est donc d’abord sensoriel sans nécessairement de conscience réflexive. Pour A. N son Tube en reste là !

On peut ajouter qu’il existe une hiérarchie temporelle dans l’acquisition des sensorialités ; le tact est antérieur à l’olfaction et la vision est la dernière fonction sensorielle acquise car elle a besoin de la lumière (de l’air libre après la nuit intra utérine) ; lumière qui est le stimulus spécifique des neurones de la rétine…

C’est aussi pourquoi le regard à une place royale dans l’échange sensoriel post natal ; sensoriel, d’abord, Affectif ensuite.

M.B.