UN LAPSUS, PREUVE D’INNOCENCE

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UN LAPSUS, PREUVE D’INNOCENCE

 

Convocation a citation d'experts devant la cour d'assises. C'est ainsi que j'ai été amené à être auditionné en tant que Psychiatre expert devant la cour d'assises, en référence au rapport d'expertise que j'avais écrit concernant le mis en examen lorsque, « au nom du peuple français », comme le dit la formule, le jour du jugement arrive. En tant qu'expert, je sais que mon audition concerne mon avis technique de clinicien et qu'il m’est demandé d'étayer les conclusions de l'article 122 du code pénal, à savoir si le criminel avait ou non son discernement au moment de l'acte. Mes conclusions ne participent pas du verdict qui revient aux jurés eux-mêmes, instruits par l'avocat général, le président. Cependant je sais que certaines considérations cliniques pourront humainement influencer les jurés dans le ressenti vis-à-vis de la conviction qu'ils auront de la culpabilité totale, ou atténuée ou de la compassion, qu'ils pourront en leur for intérieur ressentir concernant le ou la mise en cause…

La neutralité de l'expert est illusoire. Dans mon for intérieur, ayant examiné le mis en cause bien avant son jugement en cour d'assises, je ne peux retenir en moi, une certaine conviction, à tort ou à raison, de la culpabilité ou de la responsabilité du mis en examen dans l'acte qui lui est reproché. Dans le cadre de ma consultation clinique d'expert j’évacue cet a priori, qui d'ailleurs ne sollicite aucune question de ma part à l'endroit de mise en cause, sauf à lui demander s'il reconnaît les faits et à m’en tenir à sa réponse ou à son silence. Ainsi, j'ai examiné un mis en cause qui était incarcéré dans le cadre d'une extorsion de fonds chez un bijoutier. Un entretien téléphonique avec la juge au préalable m'avez averti qu'elle subodorait le fait que cette personne n'était pas coupable et, sanctionnée pour le compte de son frère. L'examen avait mis en évidence, une personnalité adaptée à la réalité qui avait un bon contact et qui s'exprimait avec sincérité. Il n'existait ni signe clinique psychiatrique dans ses antécédents ni lors de l’examen psychiatrique. Il me signale qu'il est innocent et qu'il est mis en examen à la place de son frère en raison du fait que la casquette que son frère portait lors du braquage lui appartenait, et que c'est son ADN qu'on avait retrouvé. Un conflit de loyauté l’avait, empêché de désigner son frère comme l’auteur. J'ai eu la conviction que l'expression de son innocence était authentique. Il l’exprimait par ces mots : « je calme mon innocence ». Au lieu de « je clame mon innocence ». Qu'il s'agisse d'un lapsus ou d'une omission du terme approprié, son erreur plaide en faveur de son innocence. En effet il a de quoi se sentir en colère d'avoir été condamné pour son frère, et n’avoir que de cesse de calmer la colère qu’il éprouve devant cette injustice. Il lui faut « calmer son innocence. » mais la clamer également.

 

Dr. Denis BENSOUSSAN

Psychiatre

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