LA DEMOCRATIE EN DANGER
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28 octobre 2024LA MOSTRA DU CINEMA DE VENISE : HISTOIRES D’ENFANTS ET LEUR PSYCHE
La 81e édition de la Mostra de Venise s'est achevée sur un succès de public et de critique, grâce à la qualité des films présentés, en compétition et hors compétition.
À mon avis, trois thèmes y ont particulièrement brillé : la "crise de la démocratie" a trouvé sa place dans des films historiquement authentiques, comme le primé "Ainda estou aqui" du réalisateur Walter Salles, un document bien filmé et très bien joué sur la dictature brésilienne des années 1970, ou l'efficace "The order", réalisé par Justin Kurzel, sur la tentative de coup d'État aux États-Unis en 1984 par une secte néo-nazie, mais avec des allusions claires à des risques actuels ; ainsi que le dystopique "2073", une inquiétante préfiguration d'une réalité dominée par des ultra-libéraux et des dictateurs.
Un autre thème dominant dans plusieurs des films sélectionnés est celui de la "sexualité", présentée sur un terrain libre dans les différentes formes sous lesquelles elle peut être déclinée, en fonction des versions plus ou moins "régulières" du désir, exprimées par les sujets interprétés ("Queer" de Guadagnino et "Babygirl" de Halina Reijn avec Nicole Kidman en ont été les expressions extrêmes). Certes, le corps et les scènes de rencontre avec d'autres corps, plus ou moins réelles ou fantasmées, ont trouvé un large espace et ont également suscité des commentaires contradictoires, comme ce fut le cas lors de l'attribution de la Coppa Volpi pour la meilleure actrice à Kidman, à mon avis amplement méritée.
Le troisième thème est celui que j'entends souligner ici et fait partie d'un "cinéma d'enquête" capable d'intégrer la dénonciation sociale et politique à une histoire qui passionne, rendant ainsi le spectateur intéressé par certaines informations qui, dans le flux turbulent et confus des messages globaux, tendent à s'échapper, à ne pas s'arrêter et donc à ne pas interférer avec la conscience des citoyens ordinaires. C'est grâce à ces opérations que le cinéma prend position par rapport au monde dont il fait partie, celui des écrans et des images, devenus intrusifs et envahissants : avec ces productions, il montre sa résistance aux temps fragmentés des messages ininterrompus qui nous enveloppent de toutes parts et se montre au contraire, une fois de plus, capable de dire quelque chose d'important sur le monde qui nous entoure et aussi de savoir prendre position, d'intervenir.
Je mentionnerai deux films qui mettent chacun en lumière un thème spécifique de la santé mentale des enfants impliqués dans le phénomène migratoire actuel dans différentes parties de la planète. Dans "Quiet Life", le réalisateur grec Alexandros Avranas aborde un thème connu dans les milieux psychiatriques depuis quelques années, mais dont on parle très peu car le phénomène a jusqu'à présent eu une pertinence régionale spécifique, même si, à la fin du film, on nous avertit que la migration a lieu partout dans le monde et que, par conséquent, aucun endroit ne pourra se considérer comme indemne à l'avenir. L'histoire se déroule dans une ville de Suède, où tout semble bien organisé et peut-être même bien pensé, jusqu'aux sourires stéréotypés imposés aux soignants, car c'est dans ce pays que le phénomène du "child resignation syndrome" a été décrit dans les années 1990 et que, depuis lors, plusieurs milliers d'enfants et d'adolescents ont présenté un état apparent de catatonie durable, avec la nécessité d'une alimentation forcée et de soins de santé prolongés. Les enfants dans ces situations paient de leur corps et de leur psychisme apparemment déconnecté le refus du pays qui les a initialement accueillis, la Suède, d'accorder des permis de séjour à leurs familles, alors réfugiées de leur pays d'origine, la Russie dans la plupart des cas réels ainsi que dans les spécificités de cette fiction. Il s'agit donc d'un film qui soulève une question sociale majeure, tout en mettant en lumière une question psychopathologique considérable, toujours non résolue par les cliniciens qui se sont penchés sur le problème.
"Separated", du réalisateur américain Errol Morris, déjà multi-récompensé, traite également d'un sujet politiquement et socialement motivé : les effets pathogènes potentiellement énormes sur les enfants, mais aussi sur les parents qui risquent de franchir abusivement les frontières vers les États-Unis du Sud. Bien documenté et étayé par des interviews courageuses de fonctionnaires américaines, ce film décrit les événements qui, pendant la présidence Trump, ont affecté les milliers de familles de migrants d'origine hispanique qui ont été séparées depuis leur arrivée difficile et aventureuse, lorsque les enfants ont été détenus et enfermés dans des cages et les parents déportés. Or, ces événements, qui documentent comment l'objectif réel de ces actions politiques était simplement et directement la cruauté à des fins de dissuasion (quelques centaines de ces enfants n'ont jamais retrouvé leurs parents !), représentent non seulement un récit des terribles méfaits du passé récent, mais aussi un avertissement pour le futur proche possible, comme l'indique, précisément sur ce point, un fragment d'une récente interview de Trump.